Nouveau SDRIF et vieux projets de transports en commun
La Région Ile-de-France a présenté les grands principes du nouveau Schéma Directeur de la Région Ile-de-France, définissant les trajectoires d'aménagement à horizon 2040. Il s'appuie sur 27 centalités régionales et 112 polarités locales.
La Région souligne la dimension environnementale de ce schéma en soulignant la préservation stricte de 38 000 hectares pour l'agriculture et de 160 000 hectares d'espaces naturels (soit 13 % de la superficie régionale). Le document souligne la nécessité de préserver 28 000 hectares pour les fonctions productives, dont la moitié par reconversion de sites existants délaissés ou en voie de mutatin, et le solde essentiellement par la modernisation de sites actifs. Dans le domaine du logement, l'objectif de 70 000 nouveaux logements par an est maintenu mais en accordant une part plus importante à la reconversion de bâtiments existants.
Evidemment, le chapitre des transports en commun est un des plus fournis. Sans surprise, on y retrouve quantité de projets annoncés dans les précédents schémas directeurs, remontant parfois à celui de 1994. Si on ne peut nier une gouvernance complexe des transports franciliens, l'absence de concrétisation de certains d'entre eux doit bien pouvoir signifier qu'ils présentent un intérêt relativement modeste. Il faut aussi quand même souligner que le Grand Paris Express a quelque peu grillé la priorité à certaines opérations non dénuées d'intérêt.
Concernant le métro, la plupart des extensions du réseau existant sont donc de vieilles connaissances, sur lesquels nous amorçons la discussion :
- ligne 1 de Vincennes à Val de Fontenay : un projet déjà bien connu et qui connaît quelques déconvenues ;
- ligne 1 de La Défense à Nanterre : pas franchement une nouveauté, et avec quelques questions à traiter compte tenu de l'arrivée entre temps du RER E et du Grand Paris Express (bref, Nanterre, c'est grand, donc quelle destination ? La Boule en suivant le parcours du bus 258 ?), sans négliger la délicate opération visant à extirper le métro du RER A et de l'autoroute A14 des entrailles de La Défense pour envisager un quelconque prolongement ;
- ligne 2 de Porte Dauphine à Suresnes voire Rueil-Malmaison : la pertinence semble limitée du fait du potentiel altéré par le passage sous le Bois de Boulogne. Techniquement, la suppression de la boucle de la porte Dauphine semble complexe puisqu'il faudra passer sous le RER C, sous le boulevard périphérique. Du point de vue commercial, l'intérêt paraît modeste par rapport à un passage par La Défense plus rapide pour emprunter le RER A ou le RER E ;
- ligne 3 de Pont de Levallois à Bécon-les-Bruyères : vieille marotte du SDRIF, qui butte toujours sur le coût élevé impliquant de reprendre la ligne en amont de l'actuel terminus pour passer sous la Seine. Pour un tarif voisin, un tramway succèderait au bus 275 surchargé entre Levallois et La Défense ;
- ligne 3 de Bagnolet à Montreuil (en alternative à un prolongement de la ligne 9 dans Montreuil) : la liaison entre la ligne 9 et le prolongement à l'est de T1 reste aussi une vieille connaissance du SDRIF et l'émergence d'une alternative par la ligne 3 mérite d'être examinée pour se forger une idée ;
- ligne 4 de Bagneux à Châtenay-Malabry : à étudier effectivement compte tenu de l'important développement du secteur et de la complémentarité qui pourrait être organisée avec T10 ;
- ligne 7 de La Courneuve à Drancy : jusqu'à présent, les SDRIF proposaient d'envoyer la ligne 7 à la gare du Bourget et de prolonger la ligne 5 de Bobigny à Drancy : cette fois, les deux approches fusionnent... mais il faudrait songer aussi à améliorer l'exploitation de la ligne 7 ;
- ligne 10 de la gare d'Austerlitz aux Ardoines : le rythme de transformation du secteur Seine Amont mérite de poursuivre les études sur ce prolongement, qui viendrait cependant doublonner le projet de BHNS TZen5, probablement conçu a minima et qui aurait mérité un tramway ;
- ligne 11 de Rosny-sous-Bois à Noisy-Champs : histoire de redonner un peu d'espoir à ce projet apparu dans l'accord final du Grand Paris Express, alors qu'il était initialement envisagé d'attribuer cette section à la ligne 15 qui bouclera plus à l'ouest par Val de Fontenay et Nogent - Le Perreux ;
- ligne 12 d'Issy-les-Moulineaux à Meudon : autre vieille connaissance dont l'intérêt reste quand même à démontrer compte tenu de l'insertion entre T2, le RER C et la ligne N (banlieue Montparnasse) ;
- ligne 14 d'Orly à Morangis : il s'agit d'utiliser la section entre le terminus d'Orly et l'atelier de maintenance pour y créer une station de plus.
Le Grand Paris Express est intégralement confirmé : il eut été surprenant d'éliminer certaines sections discutables puisque les cas litigieux sont déjà trop avancés. La section Nanterre La Folie - Versailles Chantiers de la ligne 18, seule opération non engagée, est aussi confortée, alors que son intérêt reste plus que contestable en ne comprenant qu'une seule station... et sans correspondance avec le RER A à Rueil-Malmaison. Il y aurait mieux à faire, avec le réseau ferroviaire, pour un coût assurément moindre et un bien meilleur effet sur la desserte !
Mieux, le Grand Paris Express est étendu avec l'inscription du principe de prolongement de la ligne 18 entre Orly et Montgeron et - surprise du chef - l'annonce d'une ligne 19 amorcée à Nanterre en direction d'Argenteuil et avec 2 destinations potentielles : Saint-Denis ou Cergy. Le document de la Région n'est pas clair sur ce point et la carte reste trop macroscopique. Cette annonce appelle déjà quelques commentaires :
- rien n'a été prévu dans la gare de Nanterre La Folie pour accueillir une ligne de plus, et les emprises ont été âprement négociées avec la Ville de Nanterre et l'Etablissement Public Paris - La Défense ;
- il faudra préciser les orientations générales d'études du tracé pour rejoindre Argenteuil, en passant par Bezons (quitte à se superposer avec le BHNS sur le tracé du bus 272) ou par Colombes (quitte à suivre en partie le tracé du T1 Ouest) ;
- au-delà d'Argenteuil il faudra préciser les orientations, carune liaison de plus entre Nanterre et Saint-Denis, qui seront déjà reliées directement par la ligne 15 (via Bois-Colombes) puis éventuellement par un prolongement de la ligne 16 (ou de la ligne 17) via Colombes, cela risque de faire quand même un peu beaucoup, surtout si on ajoute les possibilités en RER... et éventuellement en partie T11 qui pourrait être en partie concurrencée dans le cas d'un tracé en rive droite de la Seine (Argenteuil - Epinay - Saint-Denis) ;
- dans le dossier de transportparis sur les extensions du métro, nous avions envisagé une liaison La Défense - Colombes - Argenteuil, qui nous apparaissait plus intéressante que la seconde liaison de rocade entre Nanterre et Saint-Denis, sans négliger la complexité déjà évoquée du secteur de La Défense.
Sur le plan ferroviaire, le document reprend l'achèvement des tangentielles T11, T12 et T13, mais sans remise en question de certaines parties (notamment l'absence de liaison directe Saint-Germain centre - Poissy - Achères bien plus porteuse qu'une liaison Saint-Cyr - Poissy - Achères), l'électrification de Trilport - La Ferté-Milon, la partie ouest du projet Massy - Valenton (qui remonte elle aussi à 1994), le prolongement des missions Villiers-sur-Marne du RER E à Roissy-en-Brie et les deux connexions délicates entre le réseau ferroviaire et la ligne 15 à Stade de France Saint-Denis (ligne H) et Bry-Villiers-Champigny (RER E et ligne P).
On notera l'émergence d'un nouveau projet de téléphérique entre le pont de Sèvres et le plateau de Vélizy... et l'absence de tout projet interne à la Ville de Paris, y compris pour besoins de maillage avec les communes limitrophes. Pour seul exemple, on aurait bien aimé un prolongement de T9 de la porte de Choisy à la place d'Italie... Mais plus largement, il ressort de ce projet de SDRIF que le tramway devrait connaître une période de profond sommeil. Même les projets de BHNS se limitent à reproduire les perspectives déjà vieilles d'un quart de siècle...
On relèvera aussi la faible prise en considération des liaisons entre les principaux pôles de la grande couronne et les orientations plus que limitées quant à la desserte des centralités périphériques : quelles liaisons entre Melun, Marne-la-Vallée et Meaux par exemple ? Quelles perspectives pour la structuration des transports en commun dans le bassin de Cergy-Pontoise ? Et tant d'autres questions...
Il semblerait que le projet de SDRIF se contente d'une vision des transports d'abord sur les grands dossiers d'intérêt régional. Pourtant, le concept d'aménagement porté par ce schéma mise sur un modèle spatial multipolaire afin de favoriser des déplacements de moindre distance, une mégapole de proximités en quelque sorte. Les modes de transport intermédiaires entre le bus et les solutions lourdes, par nature les plus adaptés à des déplacements de courte et moyenne distance, semblent un peu écrasées par le poids de grands projets dont certains hantent les couloirs de la Région depuis quelques décennies... sans forcément avoir été concrétisés. Il ne faut donc pas écarter qu'il faille envisager d'être sélectif dans cet inventaire... comme ce fut le cas pour les précédents SDRIF !