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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens
18 janvier 2018

La Cour des Comptes étrille la SGP

Dérive des coûts = révision du périmètre, modification de la gouvernance et nouveau phasage. Tel serait le résumé du rapport de la Cour des Comptes sur le projet du Grand Paris Express. Alors que le premier tunnelier entrera en action le mois prochain du côté de Champigny, voila qui gâche assurément la fête !

A vouloir contenter tout le monde, on finit par perdre le contrôle ?

La Cour reproche à la SGP d'être une instance qui cherche plus la satisfaction des élus locaux que la maîtrise du coût du projet, dont le coût est passé de 22 à 38 MM€ entre 2010 et 2017 en incluant les contributions aux autres projets (EOLE par exemple), soit environ 35 MM€ pour les seules lignes de métro.

L'utilisation de la "cagnotte" de la SGP, constituée par des recettes jusqu'à présent supérieures aux dépenses, pour boucler le financement d'EOLE ou du plan régional pour les transports a constitué un tour de passe-passe de l'Etat, incapable d'honorer ses participations. Le budget de la SGP a ainsi servi de palliatif aux défaillances pécunières de l'Etat.

Elle souligne notamment les modifications de programme impactant le projet de plusieurs centaines de millions d'euros sans réévaluation du bilan socio-économique ni même information du conseil du surveillance, tout comme la sous-estimation manifeste des provisions pour risques inhérentes à un chantier d'une telle ampleur : l'atelier d'Aulnay sous Bois (592 M€), les engins de maintenance (380 M€), le déplacement de l'atelier de Champigny (150 M€) en sont quelques exemples.

Plus cocasse, elle souligne qu'ont été intégrés certains avantages socio-économiques "non classiques", c'est à dire ne figurant pas dans les instructions ministérielles encadrant cette démarche. Ou comment enjoliver artificiellement un bilan...

Et pour enfoncer le clou, la Cour considère que la volonté de faire aboutir les projets en vue d'obtenir les JO de 2024, en présentant un dossier ficelé sur la question de l'accès aux sites olympiques, a conduit à privilégier le calendrier sur la maitrise du coût. Bref, une vision trop politique du projet et une considération très gaulliste dans la veine de "l'intendance suivra"...

Le plus amusant, c'est que le comité d'organisation des JO s'offusque des perspectives de mise en service d'EOLE et du Grand Paris Express après la fin de l'olympiade. Quelle naïveté d'y avoir cru...

Des effectifs trop limités et un pilotage trop politique

Autre élément mis en exergue, la faiblesse des équipes de la SGP, le recours massif et mal contrôlé aux assistants à maîtrise d'ouvrage et une difficulté à muer une structure de promotion d'un projet en réel maître d'ouvrage de sa réalisation. La SGP emploie 271 collaborateurs et doit gérer 2271 contrats d'assistance à maîtrise d'ouvrage ou de maîtrise d'oeuvre ! En outre, les modalités de passation des marchés manquent selon la Cour de transparence.

La première décision serait le remplacement de l'actuel président du directoire de la SGP, Philippe Yvin, par un profil de gestionnaire de projet. Jusqu'à présent, la SGP a toujours été piloté par des préfets, des profils trop politiques pour la Cour des Comptes qui considère que la SGP n'est pas aujourd'hui en capacité de maîtriser le triptyque coût - fonctionnalités - délais du projet. Sa déclaration en octobre dernier en a laissé pantois plus d'un : "on ne peut savoir les vrais coûts qu'à la fin des travaux". Aphorisme avec un joli effet de manche, mais inaudible quand il s'agit d'expliquer 50% de dérapage !

Comme rien n'est trop beau pour plaire aux élus locaux, le Grand Paris Express ne lésine pas sur les gestes architecturaux dans les 68 gares, quitte à faire exploser les coûts de réalisation (ne parlons pas des coûts de maintenance : un architecte ne s'abaisse que rarement à savoir comment on nettoiera sa création, à l'image des vasques d'éclairage des gares Haussmann et Magenta...). Paradoxe suprême, illustrant une conception politique du projet, le volet intermodalité est particulièrement sous-estimée dans le projet. La correspondance entre la ligne 9 et la ligne 15 au Pont de Sèvres sera digne des couloirs de Châtelet. Les rabattements de bus, le traitement du stationnement vélo et autres basiques des pôles d'échanges, bien connus du STIF (désormais Ile de France Mobilités), sont ignorés. L'affaire de la gare Trois Communes est un exemple flagrant de conception politique du projet...

Il faut toutefois aussi souligner la responsabilité politique : un démarrage à fond les manettes par Nicolas Sarkozy - qui annonçait que EOLE et le Grand Paris seraient achevés en 2020 ! - fondé sur une vision très primaire des besoins de mobilité en Ile de France, un calage par série de compromis entre l'Etat et la Région cherchant à ne faire aucun mécontent (donc en allongeant la liste de courses), le tout sur fond de gouvernance au mieux molle sinon complètement absente durant le quinquennat de François Hollande : le déficit de pilotage de la SGP par l'Etat est aussi responsable du bilan présenté par la Cour des Comptes.

En outre, la Cour des Compte s'interroge sur l'impact d'une accumulation de grands projets sur le coût des marchés de génie civil : si les majors du BTP sont avides de grands projets, la course au calendrier se traduit par une inflation du montant des offres de 20 à 30% et une augmentation des provisions pour aléas car les recrutements dans les entreprises n'ont pas forcément le niveau d'expérience compatible avec de tels projets, avec à la clé un risque d'incidents de chantier et des rendements journaliers moindres. En filigrane, on sent déjà poindre des conclusions déjà connues sur la consistance du projet et la priorité aux RER existants.

Alerte sur le financement et le risque d'une dette non couverte

Sur le plan du financement, la garantie d'Etat sur les recettes des différentes taxes est jugée hasardeuse : leur rendement serait surévalué. Traduire : l'Etat aura du mal à rester en dehors du plan de financement du projet. Le gouvernement a déjà anticipé ce risque en demandant un nouveau calendrier de réalisation, qui devrait se traduire par un nouveau décalage des échéances de mise en service des différentes sections.

Le risque de la situation actuelle, est un quadruplement des frais financiers pour tenir l'objectif de réalisation et surtout d'amortissement de la dette en 2095 au lieu de 2059 comme initialement prévu. Le coût financier du projet, remboursement des emprunts et intérêts inclus, pourrait atteindre 134 MM€ !

A défaut de recettes suffisantes, l'Etat serait appelé à la rescousse pour éponger la dette constituée. Ce n'était pas prévu au programme mais les estimations de recettes de la SGP semblent surestimées pour la Cour. Conclusion : soit de nouvelles recettes sont dégagées, soit le projet devra être revu, dans son calendrier (5 ans de décalage pour la mise en service complète ?) et dans sa consistance. Invariablement, les lignes 17 et 18 se retrouvent encore un peu plus en ligne de mire...

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Commentaires
R
Consultation ou concertation ? Concertation voudrait dire que certains projets ne sont pas abandonnés ou du moins ils seront modifiés de tel sorte que ça ne sera plus ligne de métro mais un tram ou bhns? <br /> <br /> D'ailleurs ( je pense à l'article mis à jour de LNPN sur le blog transportrail ) il y a bien eu deux concertations pour la LNPN , bon la deuxième se faisait uniquement en ligne... c'était aussi une manière de prolonger les débats depuis 2011 .<br /> <br /> Je trouverai déjà miraculeux que la 14 dans son intégralité , la 15 sud et un bout de 16 et 17 soient opérationnelles pour 2024 ..<br /> <br /> J'espère en tout cas que la 15 ouest ne traînera pas trop au moins entre Pont de Sèvres et La Défense car là il y a réellement urgence vu la saturation du T2 et de la L sud ..
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O
Et si on reparlait du rapport de la Cour des Comptes ? <br /> <br /> Matignon annonce une consultation avec les élus franciliens avant de faire ses choix. Mais cela risque d'être passablement douloureux. Il n'y a que des mauvaises décisions à prendre : <br /> <br /> - maintenir le projet et avoir la certitude de constituer une dette colossale, <br /> <br /> - étaler sa réalisation avec une dette moindre,<br /> <br /> - garder les principes mais changer les modes de transport sauf sur la ligne 15,<br /> <br /> - chercher à neutraliser le risque de dette en réduisant drastiquement le projet ?
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7
En réfléchissant... parfois après avoir écrit (je m'en excuse !)<br /> <br /> Au fond, on dit : le flux est ainsi, aidons-le... et le flux augmente inexorablement !<br /> <br /> Quand les Chemins de Fer ont été créés, ils ont inévitablement engendré implantations et flux...<br /> <br /> Le problème aujourd'hui, c'est qu'on cherche (soi-disant) à mieux gérer ces flux importants...<br /> <br /> Si les infrastructures nouvelles étaient sous-tendues par une politique "sensée" de modifier un peu les choses, on pourrait éviter de toujours se référer à Paris : créer ou générer "politiquement" d'autres formes de flux de banlieue à banlieue (implantations entreprises, habitations...), par exemple !<br /> <br /> Finalement, on ne fait jamais qu'entériner et augmenter les mêmes flux vers Paris.<br /> <br /> Je pense au Plateau de Saclay (proche de chez moi), dont les terres agricoles - les meilleures d'IDF ! - sont soumises à cette politique du Grand Paris... Comment y accéder ? La RN 118 est vite saturée... alors des bus (parfois en sites propres) rabattent toute cette nouvelle population vers le RER B sud (Massy-Palaiseau) qui n'attend pas vraiment volontiers ce surcroît de flux !<br /> <br /> Bref, s'il est passionnant de voir se construire de beaux chantiers d'infrastructures de transport... c'est toujours au nom d'une "politique IDF" absurde qui n'aide pas à mieux répartir les flux, en aidant à changer les comportements... (un peu comme on voudrait aujourd'hui éviter les déserts médicaux !)<br /> <br /> Les tangentielles auraient pu aider cette répartition des flux : du nord vers le sud des Yvelines, par exemple ! Et ben non ! Il ne faut surtout pas remettre en cause le "besoin" d'être en lien avec Paris... <br /> <br /> Au point que même sur les applis SNCF, relier Marseille à Nantes se fait à plus de 50% des cas par Paris ou sa GC sud !<br /> <br /> Bref... en voulant résoudre les problèmes de départ, on passe son temps à les amplifier ! Où est le bon sens d'une vraie politique territoriale en IDF ? Comment les sociétés de transport (RATP ou SNCF) pourraient voir le bout du tunnel de leurs réseaux sur-saturés ?
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7
Remarques :<br /> <br /> 1. Le Grand Paris est une absurdité... améliorer un peu (!) une infrastructure qui ne résorbera jamais la sur-saturation puisqu'on ne cesse de construire, avec une fréquentation des transports toujours en augmentation...<br /> <br /> 2. Je pense au Tram13... pourquoi cet itinéraire via le cœur de St Germain, déjà saturé de voitures ? ... quand on voit la galère de la circulation autour du T6 à Chatillon... la desserte de St Germain GC ne suffisait-elle pas, avec des correspondances à Achères RER A ou à St Nom avec la L, c'était déjà pas mal ! Cette nouvelle ligne permettait de remonter plein nord depuis St Cyr pour éviter La Défense... Avec de telles "suppléments"... on voit sans peine les retards, les coûts, les travaux lourds asphyxiant la ville,, etc... <br /> <br /> Bref, comme souvent "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué" et pour quels avantages réels ?
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P
Dès l'instant que l'on veut faire du souterrain, les gares ou stations deviennent des constructions très coûteuses. Ce qui est incompréhensible, c'est qu'il y a vingt ans les têtes qui dirigeaient la région clamaient haut et fort, après les dérapages d'EOLE et METEOR, qu'il fallait faire des rocades de tramway, moins chères, suffisantes avec une bonne fréquence dans la zone dense et plébiscitées par les usagers comme le démontraient les T1 et T2 qui devaient être mis en rocade.<br /> <br /> Avec le plan Sarkozy, tout a été oublié, pas surprenant que les coûts et les délais explosent, et pas sur qu'à l'arrivée le service rendu soit bien en rapport avec ce qui était prévu.<br /> <br /> Souvent dans ces projets, les délais sont multipliés par 2, les coûts par 3 ou 5 et on a la moitié de ce qui était promis. Pour être prudent.
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J
Quand à la place de faire 55 stations de métro on prévoit 55 gares qui chacune sont plus ambitieuse que le Guggenheim, on se place déjà dans une situation de surréalisme budgétaire : Salvador Dali contrôleur de gestion, et Tristan Tzara, directeur du Programme, musique.
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R
En esperant que ce rqpport mette un coup de frein aux prochains grands projets de ce type menes sans concertation, reelle vision sur le long et surtout imagination....
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M
Rien de d'étonnant, je mets au défi quiconque de trouver un projet d'Etat bien estimé que ce soit Le Stade de France, les LGV même le Tram 11, les coûts explosent toujours.
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N
Ce que négligent tous les intervenants de ce dossier c’est la forte baisse des taux d'emprunts long terme. <br /> <br /> <br /> <br /> Le taux de l’OAT 30 ans est passé de 3,7% environ en 2010-2012 à moins de 2% en 2017. Cela veut dire qu’en ce moment la SGP emprunte pour beaucoup moins cher.<br /> <br /> Pour une même mensualité pendant 30 ans, si la SGP obtenait 100 avant, elle obtient 140 aujourd’hui. <br /> <br /> <br /> <br /> Bien sûr les taux d’intérêt évoluent dans le temps et tout ne sera pas emprunté cette année. Mais cela vient « éponger » une bonne partie du surcoût et montre que, d’un point de vue gestion financière, il y a une très bonne fenêtre en ce moment. Et interroge aussi sur la stratégie financière de la SGP. Un tel projet c’est beaucoup du BTP mais c’est aussi des couvertures financières...
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P
Les entreprises du BTP vont se réjouir des dépassements de budget, synonymes de recettes supérieures étalées sur une plus longue période. Ce ne sont pas des perdreaux les patrons des majors du BTP, ils ont des moyens de pression et le chantage à l'emploi, y compris de travailleurs polonais et roumains, pour faire réaliser les travaux les plus chers au frais de l'état ou des collectivités. La Cour des Contes fait son cinéma habituel et ne dit pas un mot sur la destination des profits ramassés à l'occasion du Grand Paris.
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I
A croire que la Cour des comptes lit les articles de ce blog... et leurs commentaires ! :p
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P
La situation du Grand Paris Express est une catastrophe. Comment un projet d'une telle envergure a t-elle pu faire l'objet d'un tel laisser aller. C'est un scénario digne de ce que l'on retrouve dans les pays les plus corrompus de la planète (mais aussi dans certaines villes comme Berlin...). En outre, je fais part de mes vives inquiétudes concernant la ligne 13. Le village olympique amené à terme à recevoir des logements sera construit à ses pieds sans que la ligne 15 n'y arrive. Même si la ligne 14 va absorber une partie des flux en amont de Mairie de Saint-Ouen, nombreux continueront sur le tronçon central pour les correspondances avec la ligne 2 et l'ouest parisien, rôle censé être incarné par le M15 Ouest. L'exploitation déjà compliquée risque de devenir chaotique d'autant plus qu'Ouragan se fait attendre alors même que tous les trains sont équipés..
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